Votre travail vise à étudier un aspect de la pratique afin de l’améliorer. Votre objectif passe donc nécessairement par l’évaluation d’un processus et d’un résultat. La méthode de l’assurance de qualité (encore appelée dans la littérature française « audit clinique ») s’applique ici parfaitement. Seuls les grands principes sont rappelés ici.
6.7.1. Choisir une problématique
La priorité que l’on décide d’accorder à un problème plutôt qu’un autre tient à plusieurs facteurs :
- Importance du problème : il s’agit d’un problème de santé, d’organisation des soins, d’éthique, qui est fréquemment rencontré, ou qui, s’il est rare, présente une sévérité ou un intérêt particuliers.
- Faisabilité et acceptabilité du travail : la première des ressources humaines, vous, est disponible et motivée puisque ce TFE doit bien être rédigé un jour ; mais vous aurez peut-être besoin de collaborations : confrères ou patients participant à une enquête, à un relevé d’actions, informaticien ou statisticien pour traiter certains résultats, … Avez-vous le temps et le budget nécessaires pour mener une action de grande envergure, ou pouvez-vous réaliser quelque chose d’intéressant localement ? Le travail sera-t-il bien accepté par ses bénéficiaires potentiels ?
- Valeurs que l’on souhaite mettre en avant : pertinence scientifique, participation des patients, travail en réseau, continuité des soins, facteurs médico-économiques, etc.
Ex. Vaccination annuelle des personnes âgées contre la grippe.
Importance du problème.
Il s’agit d’un problème fréquent, récurrent, touchant directement la capacité d’organisation du médecin généraliste et pouvant réduire la morbidité hivernale des personnes âgées.
Faisabilité.
Nécessite peu de moyens et de temps, la plupart des personnes ciblées sont déjà rencontrées de façon régulière ; elle est soutenue par des campagnes de promotion dans les médias chaque année
Acceptabilité.
Cette vaccination est déjà assez ancienne et jouit d’une bonne acceptabilité dans la population.
Valeurs (encore appelées critères de qualité).
Systématisation : essayer de toucher toutes les personnes concernées
Intégration de la prévention dans l’activité curative quotidienne
Accessibilité financière : la vaccination est peu coûteuse et partiellement remboursée par la mutuelle
Accessibilité géographique : elle peut se pratiquer facilement au domicile des bénéficiaires
Subsidiarité : il s’agit d’une action typique du généraliste
6.7.2. Evaluer la situation de départ
La situation de départ est cernée par une première évaluation ; il peut s’agir d’une évaluation chiffrée comme d’un ressenti purement subjectif, le tout est de bien décrire comment on l’a analysée.
Cette étape permet de déterminer les objectifs dits de travail ou intermédiaires : pour arriver à l’objectif du TFE, il faudra passer par des diverses étapes : prévoir une récolte de données, améliorer les compétences des gens impliqués, créer ou diffuser un outil, une méthode de travail, appliquer une méthode de traitement particulière, etc. Ces objectifs-ci peuvent être souvent quantifiés : on souhaite atteindre tel pourcentage de la patientèle, on souhaite augmenter une couverture préventive à tel taux, etc.
Les indicateurs sont définis à ce moment : ce sont leurs valeurs qui seront mesurées en fin de travail. Il faut se fixer des objectifs raisonnables pour ne pas être trop déçu par ses résultats : doubler une couverture vaccinale représente sans doute un énorme travail ; l’augmenter de 50{88009e6be40eebf4ad7995dc7777ed5deab7a383eef60ad242018552fede4437} est sans doute plus accessible pour une première phase limitée dans le temps.
Ex. Au départ, la couverture vaccinale antigrippale n’est pas connue.
Quelques dossiers portent mention du vaccin de l’année précédente, mais rien n’a été systématisé.
Les objectifs intermédiaires sont :
- S’assurer au cours de l’année que tous les patients âgés rencontrés, même une seule fois, ont bien un dossier
- Définir l’unique endroit du dossier où les vaccins sont notés ; en cas de dossier informatisé, utiliser l’endroit prévu, et s’assurer que l’information sur le vaccin grippe sera facilement extraite des fichiers en fin de programme (module statistique incorporé, disponibilité des fichiers source)
- Éditer une liste des patients de plus de 65 ans en début de campagne et l’emporter avec soi en visites à domicile pour vérifier son exhaustivité
- Noter tous les vaccins effectués au dossier et/ou sur la liste des patients
- Noter les raisons de non vaccination, les difficultés
- Se faire un aide-mémoire des contre-indications à la vaccination
L’indicateur est ici le ratio entre le nombre total de patients vaccinés en fin de campagne et le nombre de patients concernés (total moins contre-indications) dans la tranche d’âge définie.
L’objectif du programme est, par exemple, d’amener cet indicateur à 66{88009e6be40eebf4ad7995dc7777ed5deab7a383eef60ad242018552fede4437}.
6.7.3. Planifier l’action
La question de départ devra peut-être être découpée en plusieurs sous-questions pouvant chacune être résolue par une investigation. Que doit-on savoir ? Qui fait quoi, à quel moment, avec quelles ressources et pour qui ? Il est important de faire ce travail par écrit, les difficultés potentielles se remarquent beaucoup plus vite et le protocole d’action est reproductible tout au long de la phase d’expérimentation.
Planifier le temps sur plusieurs mois, voire une année, est utile, vous aurez entre temps mille raisons de reporter les actions prévues à plus tard.
Ex. La phase d’ouverture des dossiers peut commencer dès que le programme est décidé.
- La liste des patients doit être éditée en septembre pour commencer la prescription dès la disponibilité du vaccin antigrippal en pharmacie.
- Les ordonnances peuvent être imprimées en une fois pour tous les patients et disposées dans les dossiers ou à un endroit qui permet d’y penser.
- Un courrier invitant à la vaccination est rédigé et envoyé aux patients non vus début novembre.
- Les raisons de non vaccination connues sont notées sur la liste des patients.
- L’évaluation est prévue pour janvier.
6.7.4. Evaluer
Enfin, l’action est évaluée grâce aux indicateurs définis auparavant. On mesure ce qui est atteint par rapport à ce qui était attendu. Puis on commente : c’est mieux ou moins bien, il y a eu des difficultés pour appliquer le protocole, des facteurs intercurrents ont perturbé les résultats.
Tous les travaux scientifiques sont confrontés à ces problèmes, mais la réflexion sur les difficultés permet de réorienter les actions futures et d’inventer de nouvelles façons de procéder. Une méthode de travail rigoureuse qui ne produit pas les résultats escomptés peut se révéler bien plus riche d’enseignements que de « bons » résultats. Et le processus peut continuer (en dehors de votre TFE bien sûr).
Ex. Le décompte, finalement réalisé en avril, fait apparaître que 58{88009e6be40eebf4ad7995dc7777ed5deab7a383eef60ad242018552fede4437} des patients ont été vaccinés, soit 88{88009e6be40eebf4ad7995dc7777ed5deab7a383eef60ad242018552fede4437} du résultat escompté. Le logiciel ne permettait pas de donner d’emblée un tableau général des vaccins et il a fallu faire appel à un informaticien pour extraire les données.
Le courrier destiné aux patients non rencontrés n’a pu être rédigé faute de temps à cette époque d’intense travail : il devra l’être à une période plus calme pour l’année prochaine.
8{88009e6be40eebf4ad7995dc7777ed5deab7a383eef60ad242018552fede4437} des patients rencontrés ont refusé la vaccination : il est intéressant de réfléchir à leurs motivations.